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3/11 : Regards sur l’adoption

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Construire un numéro de Psychiatrie Française sur l’adoption n’est pas chose facile. La question est d’autant plus délicate que le nombre de familles candidates à l’adoption est beaucoup plus important que le nombre d’enfants adoptables dans les pays occidentaux. Avec une certaine logique de pensée qui se veut évidente, beaucoup soulignent les malheurs du monde, la pauvreté et les guerres et considèrent que l’adoption internationale sauve des enfants d’un malheur futur prévisible.

N°3/11 : Regards sur l'adoption

EDITORIAL

Yves MANELA

Construire un numéro de Psychiatrie Française sur l’adoption n’est pas chose facile. La question est d’autant plus délicate que le nombre de familles candidates à l’adoption est beaucoup plus important que le nombre d’enfants adoptables dans les pays occidentaux. Avec une certaine logique de pensée qui se veut évidente, beaucoup soulignent les malheurs du monde, la pauvreté et les guerres et considèrent que l’adoption internationale sauve des enfants d’un malheur futur prévisible. D’un côté un souhait bien compréhensible d’avoir des enfants, même s’il est quelquefois revendiqué à l’excès et de l’autre des règles françaises et internationales loin d’être pour tous les mêmes, souvent transgressées jusqu’au trafic. Quels que soient les efforts et les accords signés par de nombreux pays, souvenons-nous des controverses après le tremblement de terre d’Haïti sur les enfants adoptables qu’il fallait faire venir au plus vite même si la situation était complexe, ne serait-ce que du deuil de tout un pays. N’oublions pas le zèle coupable d’une organisation non gouvernementale « L’arche de Zoé » au Tchad et au Mali ou plus loin le drame des orphelins roumains de l’héritage Ceausescu victimes d’hospitalisme proposés à l’adoption.

Il est clair que la demande d’adoption pourrait donner une étude à soi seule tant du côté de la famille que de celui des pouvoirs publics, des textes législatifs et de leur application différente en fonction des départements et des régions. De plus le droit à l’adoption pour un parent seul, les homosexuels et les transsexuels ne sera pas traité particulièrement, il ne nous paraît pas spécifique et rejoint en grande partie le débat politique et moral de la procréation. Cette question concerne l’ensemble des citoyens et seulement en partie les psychiatres.

Tout enfant adopté a une histoire passée si courte soit-elle. Cette histoire ne peut être l’alibi projectif des difficultés rencontrées. Sans nier l’importance de ce qui s’est passé avant, les identifications se jouent avec la famille d’adoption, dans son histoire et ses interactions : c’est pourquoi une famille doit être préparée et souvent aidée dans sa réflexion concernant l’enfant à accueillir. Je me souviens d’une histoire pleine d’humour, racontée, il y a longtemps, par un psychanalyste américain Peter Neubauer à l’époque où faisait rage la discussion entre « nature » et « nurture », inné et acquis. Il avait eu l’occasion de suivre des jumeaux homozygotes séparés et chacun adopté par une famille. Les premiers étaient pessimistes et racontaient un bébé inconsolable si on ne mettait pas un peu de cannelle sur sa nourriture. La seconde famille trouvait son bébé formidable et ne faisait aucune remarque. Sur le pas de la porte la mère du second avait ajouté : « cet enfant adore la cannelle et mange de tout si on en ajoute au plat ». Neubauer commentait en se demandant si l’inné était dans la cannelle !

La souffrance primaire existe, cela va de soi. Le plus souvent elle mobilise les angoisses de séparation et souligne le mouvement d’adoption. La qualité parentale est d’autant plus sollicitée et les deux parents se trouvent mobilisés dans leurs ressources personnelles d’adulte. Leur mouvement de « réparation » n’a pas toujours le succès escompté. Quand ils sont poussés dans leurs retranchements, face aux sentiments négatifs qu’ils ressentent, chacun est mis à rude épreuve et le couple peut être en danger. Les adultes sont alors renvoyés à leur propre histoire infantile et aux résolutions personnelles de leurs conflits. C’est pourquoi il est toujours utile de pouvoir accompagner des parents adoptants. Nous, psychiatres, nous risquons d’être pessimiste car nous voyons surtout les situations difficiles. Nous sommes rarement consultés quand ça se passe bien sauf et c’est important, à l’adolescence pour les enfants trop sages qui se révèlent très paralysés dans leurs conflits possibles et montrent alors des mouvements dépressifs et spectaculaires dans l’opposition. Patiemment accompagnés ces adolescents trouvent le plus souvent leurs solutions.

Marika est adoptée à trois ans dans un pays de l’est. Dès les premières consultations sa mère explique toutes les difficultés qu’elle a rencontrées avec sa fille par le passé dont elle ne connaît que quelques éléments. Elle n’arrive pas à donner de valeur aux interactions avec Marika. Tout ce qu’elle ressent ce sont les reproches supposés d’une nostalgie de mère perdue la laissant dans une position d’impuissance culpabilisée. Le couple réagit en se donnant une mission de guérison et de stimulation intellectuelle pour pallier aux traumatismes passés. L’affrontement entre mère et fille est devenu inévitable. Les mouvements dépressifs de l’enfant sont interprétés comme une attaque d’une mère inadéquate. La famille se trouve à la limite du « mauvais traitement » sans aucune confiance dans les possibilités d’élaboration de Marika. La mise en place d’un traitement psychothérapique de l’enfant sera associée à de fréquentes consultations des parents. Cela se révélera insuffisant. La mère acceptera difficilement un traitement personnel qui montrera un élément central de l’histoire de celle-ci. Elle avait définitivement rompu avec sa sœur qui aurait été la préférée de sa propre mère. S’étant sentie abandonnée à l’adolescence, elle gardait secret une tentative de suicide et le sentiment d’être mal-aimée. Il faudra beaucoup de temps pour mettre en lien la relation à sa fille qui ne l’aimerait pas et cette histoire enfouie avec sa mère. Néanmoins le traitement était loin d’être terminé. Il fallait encore donner une place suffisante aux interactions familiales et à la construction psychique de Marika. Sa mère était si envahissante qu’elle ne pourra que l’attaquer pour s’en déprendre tout en montrant une culpabilité énorme retournée contre elle-même. Le rejet de ses études, la recherche amoureuse, l’interrogation sur son histoire demanderont une véritable endurance de la famille et des thérapeutes. Ces attaques ont toujours une composante retournée qui donne à l’adolescent le sentiment d’être plutôt mauvais, et en tout cas pas à la hauteur de ses aspirations et des attentes parentales. Il ne faut surtout pas lâcher le conflit quel que soit son caractère bruyant ou spectaculaire. L’expérience montre que l’endurance et la réflexion des adultes atténuent progressivement le conflit. Prendre des mesures trop rigides, poser un diagnostic dans ces moments d’adolescence peuvent avoir des conséquences pour le coup pathologique. Il y a au cœur de ce problème la dépression et les angoisses de séparation. Une jeune fille m’avait expliqué que sa nervosité était son manteau de protection contre la dépression qui lui était insupportable. Ne pas pouvoir se déprimer ou ne pas pouvoir régresser est le lot de ces adolescents qui vivent le conflit avec leurs parents comme un abandon réédité. Dans le conflit d’adolescence, la mesure à un idéal rêvé, la dépression ou toute forme de limite et d’angoisse de castration réveillent la question des origines et les angoisses primaires.

Aujourd’hui il n’y a plus de secret quant à l’adoption elle-même. Le secret porte, mais pas toujours, sur la famille d’origine. On discute actuellement la levée de ce secret. La question n’est pas simple. Certains pays refusent l’adoption sous sa forme occidentale par peur d’une rencontre incestueuse sans le savoir. Les adolescents ont pour certains ce fantasme. Ils se demandent aussi s’ils n’ont pas croisé ou rencontré sans le savoir un membre de leur famille, voire leur mère. Rechercher ses origines peut être vécu comme une infidélité à sa famille. Mon point de vue tient plus à la quête des origines qu’aux quelques éléments que l’adolescent va trouver dans sa recherche. Cette quête a une valeur en soi de traitement du roman familial et de réflexion sur le passé et la valeur des relations avec les uns et les autres. Il est vrai que dans certaines adoptions il n’y a pas de secret des origines et dans certains cas une connaissance de la famille. Les problèmes sont, je crois, alors fort différents et interrogent le rapport familial d’origine. Un adolescent avait posé la question centrale en consultation, « pourquoi moi ? ». Mon expérience de traitements longs me laisse optimiste au bout du compte. Au bout du compte seulement car le traitement est difficile rempli de péripéties et de passages à l’acte. La famille peut être malmenée longtemps. Il faut savoir ne poser de pronostic que lorsque l’adolescent est devenu adulte, c’est-à-dire souvent tard !

Nous essayons de répondre à beaucoup de questions dans ce numéro, sur les âges d’adoptions, sur les lois, sur l’adoption internationale et sur les relations parents enfants. Je ne peux terminer ce texte sans rendre hommage au Professeur Michel Soulé tout juste décédé en février et qui a travaillé sur ces sujets sans relâche des dizaines d’années. Je vous renvoie à ses textes.

Un dernier point : il y a une mode actuelle très néfaste. Dans l’adoption internationale, il serait de bon ton de ramener l’enfant en visite dans son pays d’origine. Pire, si on adopte un enfant suivant, ce serait bien de faire le voyage avec l’aîné. Pourquoi de telles actions, il n’y a pas de mithridatisasion !

SOMMAIRE

  • Serge TISSERON : Curiosités de cabinet p. 3
  • Yves MANELA : Éditorial, p. 5
  • Monique BYDLOWSKI, Principales problématiques de l'adoption, p.9
  • Sophie MARINOPOULOS, L'agrément, le cheminement vers l'enfant adopté, p.17
  • Nigel CANTWELL, L'adoption à quel prix ? Pour une responsabilité éthique des pays d'accueil en matière d'adoption internationale, p,24
  • Marie-José DURIEUX, Les enfants d'Haïti ; Un lieu pour vivre, p.27
  • Pierre LÉVY-SOUSSAN, Les problématiques de l'appariement dans l'adoption, p. 40
  • Frank VERHULST, L'adoption internationale aux Pays-Bas ; une étude longitudinale d'enfants adoptés en international p. 50
  • ]esus PALACIOS, Yolanda SANCHEZ-SANDOVAL, Espéranza LEON : Études ile cas d'échecs d'adoption internationale en Espagne, p, 55
  • Bernard PENOT Quand l'adoption piège l'origine, p.78
  •  Alain KSENSEE, Témoignage, p.88
  •  Alain KSENSEE, L’adoption : Une création ? p.103
  • Ivonita TRINDADE-SALAVERT, Malgré tout, on peut réussir... avec la famille André..., p.113

 LE PSYCHOPOLITAIN

  •  Le cheval de Turin de Bela TARR, film analysé par Pierre SULLIVAN p. 135
  •  L'exercice de l'État de Pierre SCHOELLER, film analysé par Pierre SULLIVAN, p. 136
  •  Melancholia de Lars von TRIER, film analysé par Pierre SULLIVAN, p. 138
  • Les séminaires de Zurich de Martin Heidegger. Un dialogue entre phénoménologie et psychiatrie aujourd’hui par Nicolas D'INCA, p. 139

ENVIES DE LIRE

  •  L'homme qui se prenait pour Napoléon de Laure MURAT, ouvrage analysé par Monique BYDLOWSKI, p.147
  • Victor de Michèle FITOUSSI, ouvrage analysé par Marc HAYAT, p. 151
  • Jade et la quête des origines de Claude PIGOTT, ouvrage analysé par Maya EVRARD, p. 153
  • AbonDON quand la mère se retire de Edwige PLANCHIN, ouvrage analysé par Lydia LIBERMAN GOLDENBERG, p. 156